IL A QUITTÉ PARIS POUR LA CÔTE D’AZUR SANS UN REGRET. ETOILÉ AU GUIDE MICHELIN, LE CHEF NOURRIT DE GRANDES AMBITIONS POUR LA NOUVELLE ET SOMPTUEUSE MAISON, AVEC SA CUISINE ÉLÉGANTE ET SAVOUREUSE…
Julien Roucheteau est arrivé à la Réserve de Beaulieu à l’automne dernier. Lassé d’un environnement parisien
stressant qui commençait à lui peser, le chef étoilé (deux macarons à la Table du Lancaster et un à la Scène Thélème), devenu un des Meilleurs Ouvriers de France en 2019 (finale en 2018 et remise du titre en 2019), cherchait l’opportunité de changer d’air. Il n’a pas hésité une seconde lorsqu’on lui a proposé de tenter l’aventure azuréenne… « La Réserve de Beaulieu n’est pas qu’une adresse, c’est un lieu mythique. Je recherchais une maison avec hôtel où il faut tout organiser depuis le petit déjeuner jusqu’au dîner gastronomique en passant par le bar, le service piscine… Je trouve ça très amusant ; complexe mais amusant. En fait je voulais retrouver le contact humain, celui que j’ai expérimenté avec Monsieur Michel Troisgros qui m’a appris ce qu’est une maison familiale.
Puis j’ai eu la chance de prendre mes fonctions alors que toute la partie restauration a été refaite à neuf l’hiver dernier. Sous l’impulsion des propriétaires, M. et Mme Delion, l’établissement se modernise depuis quelques années et je ne pouvais pas laisser passer l’opportunité d’arriver dans une maison historique où ont travaillé de très grands chefs, ce qui me motivait particulièrement. »
Les grands chefs, Julien Roucheteau les a fréquentés et a beaucoup appris à leurs côtés. A commencer par les chefs MOF des cuisines de la présidence du Sénat qui lui ont donné la passion du produit et l’amour du métier.
C’est d’ailleurs sous les ors de la République que le jeune cuisinier a décidé de porter, un jour, les couleurs tricolores au col.
À la Réserve de Beaulieu, Julien Roucheteau s’est rapidement acclimaté au lieu et à sa clientèle ; il y a conservé l’étoile en ce début d’année. Petit fils d’agriculteurs, il s’est aussi rapidement rapproché des producteurs locaux : « Mon but était de travailler avec des gens de la région. Aller à l’essentiel m’a toujours guidé et ici, plus vous grattez, plus vous trouvez des choses magnifiques ; un des producteurs avec qui je travaille cueille ses fleurs de courgettes la nuit à la lampe torche et je peux les cuisiner quelques heures après... Puis la nature est généreuse.
Il suffit de se balader sur les hauteurs de Beaulieu pour ramasser les fleurs, les herbes. Moi qui adore cuisiner avec les herbes, je suis gâté ! » Si vous voulez titiller le chef, demandez-lui s’il est passé de la cuisine au beurre à la cuisine à l’huile d’olive… « Pas du tout. Je suis de l’ouest et le vrai beurre, ça me connaît. On m’a demandé de faire une cuisine à l’image du sud, j’ai dit non, je fais la cuisine à mon image, ma cuisine, celle qui commence par le pain et le beurre. Du beurre fermier du Finistère et du pain de seigle élaboré avec des céréales cultivées en Auvergne sur des terres à seigle. La farine arrive chez un petit boulanger de Nice qui fait nos pains. » Pour Julien Roucheteau, le pain revêt une importance particulière, celle du partage.
Tous les soirs les pains sont taillés en forme d’artichauts et au fur et à mesure de la dégustation, les convives retirent une feuille. Autre paradoxe de ce professionnel, fils de boucher il avoue être « très poisson ». Autant dire qu’il est servi… « J’essaye de travailler avec les pêcheurs. Je ne leur impose pas vraiment ce que je veux mais je vais chercher ce qu’ils ont pêché. Ce n’est pas parce qu’on est étoilé qu’on ne doit pas être au cul du bateau… »
Sa cuisine, Julien Rouchetau la décrit « légère et peu grasse ». Il aime travailler les jus de légume et de fruit, faire mariner des côtes de blettes colorées dans du vinaigre balsamique blanc, jouer avec les acidités. Légèreté, finesse, élégance, délicatesse sont des mots qui font partie de son vocabulaire au quotidien. Quant à sa motivation elle en revient au partage… « Si j’ai avancé dans le métier, si j’ai obtenu le titre de MOF, si j’ai l’étoile, si ma cuisine est plus réfléchie, plus savoureuse et évolue au quotidien, tout ça est lié à l’envie de faire plaisir et de partager… » Entouré d’une belle équipe, dont Guillaume, en salle, Yohan, le sommelier et Benoît Jabouille, chef pâtissier, Julien Rouchetau ambitionne désormais de retrouver la deuxième étoile à La Réserve de Beaulieu…
« Un rêve » dit-il en souriant…
Michel EGEA
Photo Sophie SPITERI